Attention, cet article a été écrit en plusieurs fois, par manque de temps, par sollicitations diverses et variées… mais je tiens à le finir et le poster avant notre départ du Château ce vendredi (oups!). Veuillez m’excuser pour le manque de fluidité et la longueur ! Promis, je ferai mieux la prochaine fois.
Enfin… quelques minutes pour me poser devant l’ordinateur et vous raconter ce que l’on vit ici, au Château Pergaud. Les journées se suivent et ne se ressemblent pas, mis à part qu’elles sont toutes bien remplies.
En effet, la vie en collectif en soi suscite de nombreuses activités. Rien que le fait de cuisiner les repas demande une logistique assez lourde. Surtout qu’il arrive régulièrement que l’on cuisine pour un nombre inconnu de personnes, et que finalement, il y a des restes. Qui seront à agrémenter aux prochains repas ! Et parfois se retrouve en cuisine une belle équipe dynamique, dont les plats colorés éveillent tous nos sens... Un régal.
Ici, le lieu est en auto-gestion. Ce qui sous-entend que beaucoup de choses se font de manière assez organique. Parfois cela marche, parfois cela coince. Mais il faut le reconnaître, le Château traverse une crise. Cet éco-lieu a vu le jour il y a 3 ans, et les habitants ont déjà changé plusieurs fois.
Est-ce que les personnes ici ont rejoint le lieu ou le projet ? Cela n’est pas clair pour tous. Le projet existe pour certains, est à redéfinir pour d’autres.
Les associés sont regroupés en SCI, ils ont investi de l’argent dans le projet. D’autres sont habitants locataires. L’association Le Pergo œuvre au niveau culturel, organisation d’événements et stages.
Certains travaillent à l’extérieur, d’autres travaillent beaucoup et bénévolement pour le lieu (jardin, chantiers divers, tenue du lieu…). Le fonctionnement idéal pour une durée à long terme, visant équilibre, équanimité et respect est en recherche.
Ce qui est implicite pour les uns dans la gestion de la vie quotidienne en collectif ne l’est pas pour les autres. Les tensions arrivent vite. Les habitants ont fait et font encore aujourd’hui appel à des personnes extérieures pour apaiser les tensions et remédier à la situation actuelle. Le processus est en cours.
Arriver dans cette ambiance n’a pas été des plus simples. Beaucoup s’épuisent. Plusieurs familles sont sur le départ. Nous sommes apparemment les derniers wwoofeurs «officiels», notre demande ayant été posée et acceptée il y a plusieurs mois. Accueillir des wwoofeurs demande du temps, de la disponibilité et des personnes à qui se référer. Plus personne ne souhaite tenir ce rôle.
Nous avons donc pris le pli de l’organique, développé nos antennes extra-sensorielles, observé et ressenti, demandé et questionné, tenté de comprendre le schmilblik, d’y apporter notre bonne volonté.
Tout cela est riche d’apprentissages pour nous. Bien que cela suscite aussi de l’inconfort. Nous étions bien conscients dans la préparation du projet que nous allions sortir de notre zone du connu et de notre zone de confort…
Le jardin est beau et grand. Réparti en 4 parcelles, 2 serres et divers endroits exploités aussi. Il y a de quoi faire. Récolter aubergines, tomates, courges, pommes, blettes (pour les Suisses, lisez côtes bettes), plantes aromatiques à mettre à sécher au séchoir au grenier... nettoyer les buttes des cultures passées et les préparer pour les cultures d’hiver, dont certaines ont déjà été semées en alvéoles (épinards, laitues d’hiver, betterave…) et sinon continuer à semer ou planter, arroser et désherber…
Tout ce qui est récolté est pesé et soit entreposé à la cave, soit amené à être transformé. Pesto, confitures, compotes, choucroute…
Nous sommes guidés au jardin par trois passionnées de culture sur sol vivant, maraîchères semi-pro au vu de l’abondance, de la beauté et de l’organisation du jardin. Un grand tableau en mousse trône dans l’abri de jardin, où les différentes cultures et tâches à faire sont épinglées. Une feuille nous donne quelques tâches à faire en autonomie, quand personne ne peut nous accompagner.
Une source alimente le Château et son oasis, un bien oh combien précieux dans cette Drôme aux allures de plus en plus exotiques.
Une habitante fait le pain, une fois par semaine. Brioche, pain de mie, pain de campagne, pâte à pizza… Quelle chance de se régaler de ce pain maison ! Il est fait au levain, mais je découvre aussi les «levures naturelles» : des fruits mis à fermenter dans de l’eau et un peu de sucre, et dont le liquide servira pour la confection de pains.
Un autre construit des éolionnes (il y en a une au jardin, qui alimente un peu la consommation du Château), adore les aliments fermentés (à toutes les sauces, et fait donc choucroute, courgettes lacto-fermentées, mais aussi fromage et calva!). Un four solaire trône au jardin, et permet la cuisson et même la stérilisation. Il y a aussi un séchoir solaire. A vous de retrouver tout cela sur les photos !
Il y a un homme à tout faire, cuistot de métier et qui nous indique comment cuisiner en collectivité, prendre soin du lave-vaisselle professionnel et toutes autres tâches courantes pour le bien-vivre ensemble.
Et tous les autres...
Tâches collectives : toilettes sèches, ménage le vendredi, sans compter tout ce qui se doit d’être fait tous les jours pour l’entretien courant du lien… sans oublier les réunions pour organiser les diverses activités du lieu et du vivre-ensemble.
De temps en temps, cela fait du bien de quitter le Château. D’autant plus que nous n’avons qu’une chambre pour tous les quatre. C’est un défi pour moi de trouver l’équilibre entre vie en collectivité et vie privée et de m’accorder des espaces de ressourcement. Ma pratique matinale du Qi Gong est un de ces espaces, court mais bénéfique. Encore me faut-il la rigueur de m’y tenir et placer cela en priorité sur la «to do list». Je n’ai même pas pris le temps d’ouvrir un de mes livres…
Nous profitons donc des fins de semaine pour explorer les environs. J’aime ce département. Vallonné, sillonné par la Drôme et par diverses rivières qui l’alimentent, où nous nous baignons, nous y trouvons des champs, des plaines, des (petites) montagnes, des cascades, des forêts et des villages de pierres. C’est dynamique, «parfois trop», nous révèle une de ses habitantes.
Nous faisons une petite escapade en terre ardéchoise, à Ardelaine, entreprise qui travaille la laine de mouton, et qui abrite les locaux d’une entreprise de transformation, les Batteleurs. Ils mettent leur matériel et leur savoir-faire à disposition pour des particuliers pour transformer en plus grande quantité. Nous y allons pour faire des kilos de tomates, à transformer en coulis (172 pots de 75 cl!). Les garçons sont hyper investis, chacun assigné à leur rôle dans la chaîne. Les tomates sont triées, mises à cuire, pressées et enfin leur jus est embouteillé. Il y a bien sûr beaucoup de nettoyage avant, pendant et après !
Ensuite, nous avons la chance de faire la visite d’Ardelaine par un de ses fondateurs, Gérard. Il nous raconte l’histoire de ce lieu perdu en Ardèche, chargé d’histoire et qui renaît et faire revivre tout un village, Saint Pierreville. Ils ont fait le choix de ne pas s’agrandir plus à un moment donné, de garder un esprit familial et de ce qui est nécessaire au territoire. Nous y apprenons quantité de choses sur les différentes races de moutons et leurs spécificités géographiques, faisant qu’une espèce vivant dans un certain environnement ne survivrait pas dans une autre géographie et son climat associé. Ils travaillent avec certains éleveurs, récoltent la laine, la trient, la lavent, la cardent, la filent, la mettent en matelas, couette, et la transforment en habits. Cette visite m’enchante. Je suis admirative du chemin parcouru, de la passion de ces gens, de leur raisonnement qui me semble tellement juste et congruent, respectueux et valorisant. Aujourd’hui, le lieu abrite un restaurant locavore (malheureusement fermé le jour de notre visite mais dont la carte a alléché nos papilles), une librairie et une boutique. Je repars avec un kit de laine à feutrer, reste à trouver le temps de me lancer !
Nous faisons quelques balades aux alentours, à la chute de la Druize, à Saoû et sa forêt où nous avons le plaisir de rejoindre mes parents chez des amis, Francis et Sylvie, ou encore à la vallée de la Roanne. Il y a aussi un très beau petit lac à 30 min d’ici, après avoir traversé la Drôme à pied. Des petites escapades qui nous ressourcent.
Assez rapidement, je propose des séances, une manière pour moi de contribuer au vivre-ensemble sur le lieu. Quand on est bien avec soi-même et en soi-même, il est plus aisé d’être bien avec les autres aussi. Une salle de soins est équipée d’une table de massage et me voilà à œuvrer dans cet espace. Je suis reconnaissante de pouvoir pratiquer n’importe où et sans outillage spécifique autre que mes mains et ma sensibilité. Je suis certes soutenue par les huiles essentielles, qu’il m’avait fallu choisir avant de partir.
Ici, pas de support sur lesquels je m’appuyais contenant planches et protocoles. Je me repose sur mes connaissances intérieures, mes acquis, mon intuition, ce qui est, et la qualité de ma présence.
Par moments, je suis portée par l’énergie qui se dégage d’un tel lieu, par l’effet ruche ou fourmilière, où chacun œuvre à un endroit différent et transforme l’ensemble. Par moments, je ne vois plus cela, mais seulement tout ce qu’il reste à faire, tout ce que «les autres» ne font pas. Je me rends compte à quel point je suis attentive à ce qui m’entoure et me fais happer : si quelqu’un s’active à une tâche à laquelle je peux participer de par mes compétences, j’ai du mal à ne pas faire, à me dire que j’ai fait ma part. Cette expérience est hyper enrichissante et questionnante autour de la notion de service (rendre service et remercier pour les services reçus), de besoin propres (quels sont mes besoins en ce moment et est-ce que je les écoute), de limites (est-ce que chacun connaît ses limites, les respecte et les fait respecter), de territoire (ce qui est commun et ce qui ne l’est pas), de respect (de soi et des autres), de justice (je trouve des dysfonctionnements et de grands écarts entre les gens et comment ils s’investissent pour le lieu ou pas)… Savoir dire stop, savoir s’arrêter, savoir aider, savoir sa place, savoir être reconnaissant…
Je n’ai aucune leçon à donner. Je n’ai jamais vécu en collectif. J’ai par contre participé à différents projets participatifs et dont la gouvernance était aussi que possible horizontale. Je me rends compte, au regard de cette expérience de 3 semaines dans un lieu collectif, que nos réunions étaient très cadrées, mais plutôt efficaces. Et surtout, nous avions pris le temps de poser clairement nos buts/mission/valeurs, au cœur du projet, fédérant toutes les personnes autour. Cela me semble essentiel. Et manquant ici.
Pour terminer, j’aimerais partager ces lignes sur le Buen Vivir, notion que j’ai envie de découvrir plus encore : «Dès lors, ce qui rend une société vigoureuse, ce n’est pas sa croissance, mais sa contribution à l’équilibre. Il est fondamental de dépasser la conception des êtres humains comme « producteurs », « conquérants » et « transformateurs » de la nature pour lui substituer celle de « soignants », « cultivateurs » et « médiateurs » de la nature. Les êtres humains ne sont pas humains parce qu’ils transforment la nature, mais parce qu’ils en prennent soin. L’unique force productive est la Mère Terre. Les êtres humains ne produisent pas, ne créent pas, ils cultivent ce qui appartient au « tout ». […] Nous avons besoin de nouveaux indicateurs qui incluent les aspects aujourd’hui négligés, ainsi que ceux que nous rencontrons dans le vivre bien : la restauration de l’équilibre avec la nature, l’harmonie entre êtres humains, la complémentarité, etc. Ces nouveaux indicateurs seraient plus qualitatifs que quantitatifs et, au lieu d’être focalisés sur l’économie, ils seraient centrés sur l’ensemble de la vie. [...] Le buen vivir est une construction permanente. Si celle-ci s’arrête, la vision du buen vivir succombe. […] le secret de cette vision réside dans le renforcement de la communauté, dans l’expression de sa capacité à agir en complémentarité avec d’autres communautés et dans l’autogestion de son territoire. » https://www.cairn.info/revue-projet-2018-1-page-66.htm
Vous l’aurez compris, la vie au Château est trépidante, passionnante, fatigante, et enrichissante ! Je remercie du fond du cœur toutes les personnes qui nous ont accueilli dans leur lieu de vie, leur intimité, leurs conflits, leurs espoirs, leurs rêves. Je souhaite de tout cœur qu’y règne l’harmonie, le bien-vivre ensemble, la joie du collectif qui porte plus haut et plus loin. «Seul, on va vite ; ensemble, on va loin.» Longue vie au Château Pergaud !
Bien chère Anaïs immense plaisir de te lire et ton retour est très étayé au point de participer avec toi à ces problématiques que j'ai bien connues à une époque du collectif impliqué dans des projets communs.
Je vous suis pas à pas et c'est un vrai road trip qui me téléporte à vos côtés.
J'ai commencé à préparer votre venue en novembre chez nous aujourd'hui même en essayant de faire coïncider atelier olfactif cette semaine là. Difficile de trop prévoir mais c'est un tel bonheur cette perspective que je m'y mets. Continuez bien dans les châtaignes A bientôt Cathy
Merci Anaïs de ce récit, de ces témoignages… Je me retrouve dans beaucoup de tes questionnements. Une occasion un jour d’échanger sur la question du collectif, communauté, individu… avec plaisir.
Ardelaine, oui ! Un jour j’irai les rencontrer sur place ! La laine quel matériau fantastique !
Merci de nous faire voyager avec vos expériences…. C’est magique et magnifique de vous lire. 🙏🎁 bonne continuation de route et au plaisir de vous lire encore. 🎁🙏💝
Chère Anais, chère amie,
Je te reconnais bien dans ton authenticité, ton dynamisme, tes connaissances, tes valeurs humaines et celles de la Terre Mère!💕💖quelle énergie formidable tu laisses aux autres à chacun de tes passages! Merci pour ceux et celles à qui tu laisses un cadeau si précieux! Ta présence!🌸🌸🌸🌸je vous embrasse de tout mon coeur! 🌺🌺🌹🌹